Julien Chapsal DÉMARCHE ARTISTIQUE 11.2024
C’est en parallèle d’études de lettres modernes, puis d’anthropologie,
que j’ai commencé, autodidacte, à photographier. Tourné d’emblée vers
l’exposition, j’ai continué sans en faire un métier, à côté d’activités variées.
Nourrie d’autres arts et de sciences humaines, ma démarche s’inscrit
dans le champ dit documentaire, à mi-chemin du politique et du poétique.
D’un essai à l’autre, je cherche moins à affirmer un style qu’à explorer des
formes, adéquates autant que possible à des situations ou à des réflexions.
Essayer — si le verbe pouvait être au pluriel — est à mes yeux la plus juste,
autant dire l’unique position possible.
L’hé r itage du passé, l’épreuve de l’exclusion, la construction de l’identité :
ces problématiques ont structuré nombre de mes travaux… jusqu’Ã
bouleverser ma propre trajectoire, plus tard, avec une troublante connexité.
M’intéresse également ce qui définit un territoire, donc autant ses limites,
et les manières dont il est aménagé, occupé, traversé…
Au-delà de tout contexte, c’est chaque fois questionner l’existence, face Ã
l’histoire comme au dérisoire, et malgré la résistance du réel. Ici, non pas
celle affirmée, comme un postulat (cela va de soi), mais celle éprouvée,
comme dans un combat (rien ne va de soi).
Si une tension manifeste entre présence et absence habite mes images,
du reste au fondement même de l’acte photographique, c’est peut-être,
plus que la notion de disparition, celle d’étrangeté qui permet de tout
éclairer. Quand ce terme réfère à la sensation, jeté dans le monde, d’être
étranger chez soi, voire étranger en soi, où que ce soit.
La seule quête qui vaille, dans ce sens — il y aurait quelques écrivains et
cinéastes de l’exil à mentionner — n’est-elle pas celle d’un autre lieu,
d’un autre état, d’un autre être possible… vite, avant qu’il ne soit trop tard ?